Tous les trois ans, les employeurs belges comptabilisant plus de 100 travailleurs sont tenus de répondre à l’enquête fédérale sur les déplacements domicile-travail. Les résultats de la dernière enquête, organisée au cours de la seconde partie de l’année 2021 et début 2022, sont désormais disponibles. En collaboration avec le SPF Mobilité et Transports qui pilote cette importante démarche d’investigation, la Cellule Mobilité de l’UWE a donc organisé ce 9 mars 2023 aux Moulins de Beez, une conférence axée sur les nouveaux chiffres de la mobilité et sur les opportunités qu’une telle collecte d’informations offre aux entreprises.
Comme l’a expliqué Christophe Pauwels, conseiller au SPF Mobilité et Transports dans son allocution, l’objectif de l’enquête fédérale sur les déplacements domicile-travail est double : recueillir des statistiques pour les politiques de mobilité à tous les niveaux de pouvoir et encourager la discussion sur la mobilité durable au sein des entreprises au moment où elles doivent répondre à cette enquête. Il faut savoir, en termes de périmètre, que celle-ci ne s’adresse qu’aux entreprises et institutions publiques de plus de 100 personnes, pour leurs sites vers lesquels au moins 30 collaborateurs se déplacent. Elle ne tient compte que du mode de transport principal choisi par les 1.623.689 travailleurs des 9.731 unités concernées en 2021-2022.
Téléchargez la présentation de Christophe Pauwels : Enquête fédérale sur les déplacements domicile-travail 2021-2022. Focus Wallonie
Comment les travailleurs se déplacent-ils majoritairement en Wallonie ?
- La voiture, avec 84,7% de travailleurs[1] l’ayant cochée dans l’enquête, reste le mode de transport le plus plébiscité en Wallonie pour se rendre au travail. Un chiffre en augmentation de 5% alors qu’en Flandre et surtout à Bruxelles, il diminue (respectivement -3 et -19%)
- L’utilisation du vélo connaît dans toutes les régions du pays une progression importante au point d’atteindre 14,1% de part modale. Si les résultats de la Wallonie (2,4%) sont nettement inférieurs à ceux de la Flandre (20,8%) et de Bruxelles (7,2%), on y enregistre toutefois une augmentation de 88,1% par rapport à 2005. C’est d’ailleurs en ville que sa progression est la plus significative (+ 217,1%). On constate aussi, grâce au développement du vélo électrique et du speedpedelec, une augmentation de l’usage du vélo auprès de travailleurs habitant à plus de 15 km de leur lieu de travail (+2,3% à l’échelle de la Belgique).
- Il convient d’imputer à la crise sanitaire du Covid, la baisse de fréquentation enregistrée dans les transports en commun : 3,5% de part modale pour le train en Wallonie, soit – 11,9% par rapport à 2017 et 3,2% pour les bus/tram/métro soit -20,5% toujours par rapport à 2017. Le contexte énergétique actuel pourrait renverser cette évolution (à vérifier lors de la prochaine enquête).
- La tendance déjà observée depuis une dizaine d’années se confirme pour le covoiturage : il continue à perdre en part modale ne représentant plus que 2,4% des déplacements domicile-travail en Wallonie (contre 5,2% en 2005). En cause, la crise sanitaire, mais aussi les nouvelles organisations du travail (télétravail et flexi-time).
- Et le télétravail ? Suite à la crise sanitaire, il a véritablement explosé. Soit en s’imposant là où il n’avait jamais été pratiqué, soit en augmentant le nombre de jours potentiellement, télétravaillé. Ainsi, en Wallonie, 28% des travailleurs concernés par l’enquête télétravaillent désormais. Cela devrait contribuer à réduire le nombre de déplacements domicile-travail, mais d’autres facteurs interviennent et affectent l’impact positif que le télétravail pourrait apporter à la congestion du trafic. En effet, on constate que les effets de celui-ci sont contrebalancés par l’augmentation régulière du nombre de travailleurs (+ 15% depuis 2005) et que c’est davantage par le train plutôt que par la route que se déplacent ceux qui ont recours à un télétravail structurel…
Quels sont les problèmes rencontrés ?
Pour le vélo, les employeurs wallons signalent réellement problématique et donc comme frein à la mise en selle le fait qu’il n’y ait pas assez d’infrastructures cyclables ou qu’elles soient inadéquates. Ils relèvent aussi que les accès à leur entreprise peuvent être considérés comme dangereux. Par contre, pour les transports en commun, ce sont des temps de déplacement trop long qui sont signalés comme problème majeur.
De plus en plus de mesures en faveur de la mobilité prise par les employeurs
C’est l’autre grand enseignement de l’enquête fédérale. Les employeurs peuvent influencer la façon dont les travailleurs viennent travailler en soutenant certaines initiatives ou mesures et en décourageant d’autres. Le conseil en la matière est d’ailleurs l’une des principales missions de la Cellule Mobilité. Ainsi, selon l’enquête 2021-2022, 57% des employeurs wallons offrent la gratuité des transports en commun, 88% accordent une indemnité vélo et 75% d’entre eux mettent des douches et des vestiaires à la disposition des cyclistes. Ils sont 7% de plus par rapport à 2017 à avoir installé un parking vélo sécurisé (59%) et 10 % de plus à utiliser une base de données de covoiturage (27%). Un coordinateur de mobilité existe dans 31% des unités (c’est 7% de plus qu’en 2017), 42% d’entre elles permettent de cumuler plusieurs interventions patronales pour des modes de transport différents et elles sont 35% à organiser des actions de sensibilisation à la mobilité.
Toutes ces mesures sont généralement suivies d’effets puisque là où un abri couvert pour vélo a été installé, on constate qu’il y a 34% de cyclistes en plus que là où il n’y en a pas. L’organisation d’action de sensibilisation ou la présence d’un mobility manager, c’est 5% de voitures en moins. Des emplacements de parkings réservés aux covoitureurs, c’est 120% de covoiturage en plus.
Pourquoi les entreprises ont-elles intérêt à s’occuper de mobilité ?
L’intervention de Colette Pierard, responsable de la Cellule Mobilité de l’UWE, tournait autour de cette question. Elle a évoqué la nécessité de résoudre (dans certains cas) les problèmes de parking au sein même de l’entreprise, les difficultés d’accessibilité qui peuvent se poser (congestion du trafic, travaux, etc.), un éventuel déménagement, les engagements environnementaux que prennent les entreprises, la recherche de l’équilibre travail-vie de famille et donc le bien-être au travail. On peut y trouver aussi des avantages financiers, un engagement sociétal et une manière de répondre à la guerre des talents. Mais il y a plus aujourd’hui. La crise énergétique qui impacte les travailleurs qui utilisent leur voiture pour se rendre sur le lieu de travail ; les engagements européens, belges et wallons de réduire drastiquement les émissions de CO2 et qui concernent au premier chef le secteur du transport ; le verdissement imposé des flottes de véhicules de société ; les clients, les donneurs d’ordre qui sont de plus en plus attentifs aux engagements environnementaux des entreprises auxquels ils s’adressent, etc.
Téléchargez la présentation de Colette Pierard : Pourquoi la mobilité s'impose-t-elle dans les entreprises aujourd'hui ? Et comment mettre en place une mobilité plus durable dans son entreprises ?
Comment mettre en place une mobilité plus durable dans son entreprise ?
En élaborant une stratégie de mobilité ! Avec, notamment, la réalisation d’un diagnostic et d’un plan d’action ; en nommant un mobility manager et en formant une équipe pour le soutenir ; en se faisant aider et accompagner (Cellule Mobilité, Tous vélo-actifs, bureaux d’étude en mobilité, opérateurs de mobilité, réseau des mobility managers) ; en installant des infrastructures ; en proposant des services et des incitants ; en testant et expérimentant les différents modes de transport et surtout en communiquant et en organisant de nombreuses activités de sensibilisation à la mobilité.
C’est ce qu’a fait la Société Wallonne des Eaux (SWDE). Une prise de conscience par rapport à la mobilité qui s’est amplifiée et progressivement structurée lorsque Sandra Corman a été envoyée en 2019 à la présentation des résultats de l’enquête fédérale sur les déplacements domicile travail 2017 ! En guise de témoignage pour l’assemblée présente aux Moulins de Beez ce 9 mars, elle a donc expliqué où avoir trouvé les informations nécessaires et puis comment appliquer toutes ces recommandations dans une très grande structure comme la SWDE (1340 travailleurs, 35 sites) avec les réalités opérationnelles et sociétales qui sont les siennes. En conclusion, c’est la politique des petits pas qui prévaut avec de petites et grandes avancées qui ont néanmoins inscrit la mobilité dans les grands enjeux stratégiques de l’entreprise.
Téléchargez la présentation de Sandra Corman : Depuis l'enquête fédérale sur les déplacements domicile-travail 2019, de l'eau a coulé sous les ponts à la SWDE